Douleurs musculo-squelettiques

Douleurs musculo-squelettiques diffuses

Si l’on peut lire des chiffres de prévalence très important des douleurs musculosquelettiques (DMS) en pédiatrie (50-80%)1, il semble que les DMS induisant des complications avérées dans le quotidien représentent 4 à 8% des enfants et adolescent∙e∙s. Ces douleurs sont plus fréquentes chez les jeunes filles, à l’adolescence (14 ans en moyenne)2,3.

L’inquiétude est souvent liée à la possibilité d’une pathologie sous-jacente causant les troubles. Il convient bien de s’enquérir de la cause de ces troubles en n’oubliant pas la nécessité impérieuse de prendre en charge la douleur et ses conséquences.

Préserver la fonction du ou des membres atteints et la capacité de l’enfant à poursuivre sa vie le plus normalement possible (en particulier aller à l’école) constituent aussi des urgences thérapeutiques.

Les complications des DMS sont en effet multiples. On retrouve :

  • celles liées aux douleur chroniques de manière générale (trouble de l’humeur, isolement social, anxiété, troubles du sommeil, troubles alimentaires, absentéisme scolaire)
  • des complications spécifiques : complications dues à l’immobilisation d’un ou plusieurs membres (froideur, fonte musculaire, rétraction tendineuse, inégalité de longueur des membres), complications dues à la sûr-utilisation du ou des membres valides.
  • des complications iatrogènes dues aux traitements, explorations ou aux interventions réalisées qui peuvent créer des lésions supplémentaires ou favoriser la persistance de la douleur. 

L’interrogatoire cherchera à définir :

  • le mode d’installation des douleurs,
  • leur localisation,
  • leur horaire,
  • leur mécanisme,
  • les traitements et les examens déjà réalisés.
  • les facteurs aggravant de la douleur
  • les facteurs améliorants
  • la présence de changements important de la vie quotidienne concordant avec la survenue des douleurs
  • la présence de douleurs chroniques ou similaire dans la famille (le lien entre douleur chronique des parents et de l’enfant est en effet bien défini3,4.)
  • les représentations que peuvent porter l’enfant ou ses parents devant une telle douleur.
  • des facteurs émotionnels pouvant être à l’origine d’une persistance inhabituelle des douleurs sur un traumatisme donné1. On recherchera donc des évènements qui auraient pu influer de manière importante sur le psychisme du∙de la patient∙e.

L’examen clinique attentionné recherchera des causes locales et systémiques en respectant la douleur de l’enfant. On recherchera aussi les éventuelles conséquences de la douleur chronique comme l’immobilisation, le surinvestissement controlatéral, la fonte musculaire, le contrôle de la courbe staturopondérale.

Plusieurs pathologies chroniques peuvent se manifester initialement par des DMS ou s’y associer. On notera ici une liste non exhaustive des pathologies fréquemment associées aux DMS.

  • Pathologies génétiques :
    • Drépanocytose
    • Mucoviscidose
    • Fragilité osseuse constitutionnelle
    • Pathologies du tissus conjonctif
    • Dystrophies musculaires
  • Pathologies auto inflammatoires :
    • Arthrite juvénile idiopathique
    • Maladie inflammatoires de l’intestin (Maladie de Crohn, Rectocolite hémorragique)
    • Lupus
    • Ostéite chronique multifocale
    • Rhume de hanche
  • Pathologies malignes
    • Hémopathies
    • Tumeurs osseuses
  • Pathologies infectieuses (tuberculose, borreliose, ostéite chronique, arthrite chronique)
  • Pathologies induites
    • Maltraitance
    • Iatrogène
  • Autres
    • Handicap moteur

Un certain nombre d’éléments de l’interrogatoire comme de l’examen clinique orienteront le∙la clinicien∙ne vers une étiologie primaire de la douleur, voire vers une prise en charge en urgence. On notera en particulier :

 Drapeaux rouges en faveur d’une étiologie primaire

  • Des atteintes systémiques en faveur de pathologies inflammatoires, infectieuses ou néoplasiques
    • Fièvre
    • Anorexie, perte de poids, cassure staturopondérale
    • Sueur
    • Léthargie
    • Adénopathies
    • Organomégalie
    • Douleur à la palpation des métaphyses
  • Des caractéristiques d’une douleur inflammatoire :
    • Douleur nocturne
    • Insomniante (non liées à des troubles du sommeil)
    • Raideur et dérouillage matinal
    • Gonflement articulaire
    • Association à une fièvre, un syndrome inflammatoire
  • Des signes de catabolisme musculaire
    • Myoglobulinurie
  • Des signes en faveur de maltraitance
    • Anamnèse incongrue, trop ou trop peu d’inquiétude, trop ou trop peu d’examen
    • Douleur chez un enfant n’ayant pas acquis la marche

On notera que l’immobilisation, l’inutilisation d’un membre et la sensibilisation centrale du fait de la douleur chronique peuvent donner à elles seules des signes unilatéraux, visibles et importants sans pour autant être en faveur d’une autre cause.

Complications autonomes de la DMS :

  • Troubles musculaires : fonte musculaire
  • Troubles articulaires : rétraction tendineuse, réduction d’amplitude articulaire, position vicieuse
  • Troubles sudromoteurs : sudation augmentée
  • Troubles vasomoteurs : froideur, marbrures, oedème
  • Troubles des phanères : ongles cassants, peau fine, luisante
  • Troubles neurologiques : allodynie, hyperpathie
  • Troubles auxologiques : inégalité de longueur des membres

On notera aussi des éléments anamnestiques ou clinique en faveur de douleur sans substrat anatomique ou bénignes pour lesquelles on pourra rassurer le∙la patient∙e et sa famille (douleurs de « croissance », maladies de Sever et d’Osegood Schlatter)

Enfin certains éléments orienteront vers une prise en charge en urgence vers des centres spécialisés de douleur chronique :

  • Association à des facteurs de mauvais pronostic
    • Douleur chronique chez un ou plusieurs membres de la famille
    • Douleur sur plusieurs sites articulaires
    • Association à d’autres douleurs chroniques (céphalées, douleurs abdominales, douleur neuropathique, …)
    • Antécédent de douleurs chroniques
    • Troubles de l’humeur, anxiété, trouble alimentaire, troubles du sommeil
  • Recours inhabituel à des adaptations de la vie quotidienne
    • Mise en décharge prolongée : béquillage, strapping, contention, plâtre, fauteuil roulant, repos au lit prolongé
    • Absentéisme scolaire, scolarité au domicile
    • Situation d’abus médicamenteux, recours inhabituel à la chirurgie
  • Doute diagnostic insupportable et persistant malgré la réassurance

La prise en charge de la DMS est semblable par beaucoup de points à la prise en charge des douleurs chroniques de manière générale. On ajoutera plusieurs points plus spécifiques comme :

  • Discuter chaque recours à la chirurgie
    • L’intervention chirurgicale peut être vue comme « magique » et générer de la déception
    • La sensibilisation centrale (douleur chronique pré-opératoire) constitue un risque de persistance des douleurs en post-opératoire et minimise la possibilité d’une transformation de la symptomatologie par des techniques chirurgicales
  • Favoriser la reprise de la fonction des membres immobilisés
    • L’usage des techniques de décharge doit être réduit au strict minimum
    • Mise en place d’une activité sportive adaptée

On traitera du syndrome douloureux régional complexe ici. Il est à noter que l’usage du terme de fibromyalgie juvénile a été contre indiqué par une expertise INSERM5. On y préférera le terme de douleur chronique multifocale dans l’attente de la majorité du∙de la∙ patient∙e.

  1. Clinch, J. & Eccleston, C. Chronic musculoskeletal pain in children: assessment and management. Rheumatol. Oxf. Engl. 48, 466–474 (2009).
  2. King, S. et al. The epidemiology of chronic pain in children and adolescents revisited: A systematic review: Pain 152, 2729–2738 (2011).
  3. Lier, R., Mork, P. J., Holtermann, A. & Nilsen, T. I. L. Familial Risk of Chronic Musculoskeletal Pain and the Importance of Physical Activity and Body Mass Index: Prospective Data from the HUNT Study, Norway. PloS One 11, e0153828 (2016).
  4. Brown, D., Rosenthal, N., Kupitz, A. & Wager, J. Intergenerational transmission of chronic pain-related disability: the explanatory effects of depressive symptoms. PAIN Articles in Press, (2020).
  5. Inserm. Fibromyalgie. (2020).

Ressource internet (anglais) : https://ww.pmmonline.org/