La douleur chronique : généralités

La douleur chronique : généralités

La douleur chronique est définie comme une douleur durant plus de 3 mois, ou plus que la durée attendue si la douleur est secondaire à une pathologie. Pour la pédiatrie, les experts précisent qu’il pourrait être plus juste de réduire la durée à 1 mois.

Que cette douleur soit secondaire à une condition ou pathologie sous-jacente ou primaire (sans cause retrouvée), les principes de soins seront les mêmes.

Le parcours de soin des enfants avec migraine ou douleur chronique est peu connu du grand public, de même que la douleur chronique au sens large.

La douleur chronique est souvent “diagnostiquée” tardivement, après de nombreux examens paracliniques et après de nombreuses visites chez différents spécialistes 1–4.

Le diagnostic peut être évoqué après élimination de toute pathologie organique 3,5–10, mais peut aussi se greffer à une pathologie chronique préexistante 10–15.

La douleur chronique est multimodale et son traitement nécessite une approche biopsychosociale du patient 3,4,10,16–26. La mise en évidence de facteurs psychosociaux dans le maintien ou l’aggravation des douleurs va demander une collaboration étroite entre médecins, infirmièr·es, psychologues/psychiatres 26 mais aussi avec le personnel scolaire afin de prévoir des aménagements si nécessaire. Dans l’évaluation de la douleur chronique, il est tout aussi important d’apprécier ce qui accompagne la douleur : les troubles du sommeil, les troubles de la concentration, les angoisses, les troubles de l’humeur, l’absentéisme scolaire, de même que le renforcement involontaire des comportements de douleur par la sollicitude de l’entourage 3.

Les objectifs de la prise en charge de la douleur chronique visent à créer un lien de confiance, prendre le temps d’écouter et comprendre l’enfant/adolescent·e et sa famille et proposer des approches thérapeutiques permettant un meilleur coping, une adaptation pour faire face à la douleur et reprendre les activités de la vie.

En fonction des types de douleurs, les moyens thérapeutiques comporeteront les méthodes non pharmacologiques ayant montré leur efficacité et parfois des traitements médicamenteux.

Le rôle des explications à l’enfant et sa famille est majeur dans l’amélioration des douleurs chroniques, avec des mots adaptés à leur niveau de compréhension:
– comment les douleurs s’installent, avec parfois des douleurs répétées qui deviennent chroniques sous l’influence de facteurs émotionnels ou encore la rencontre d’une douleur qui aurait dû être passagère et s’installe dans une période riche en éléments de vie…
– ce qui se passe dans le système nerveux et le cerveau dans ces douleurs chroniques
– comment les émotions et la douleur sont étroitement liées et ne peuvent être dissociées
– comment ces émotions et la douleur créent une cercle vicieux qui à son tour renforce la douleur
– pourquoi les médicaments habituels des douleurs aigües ne sont le plus souvent pas efficaces du fait de cette complexité
– pourquoi il faut de ce fait utiliser plusieurs moyens conjugués pour arriver à soulager les douleurs chroniques, pourquoi il faut s’occuper à la fois des émotions et de la douleur

Le livret “Sacha sur le chemin de la douleur” (écrit par le Dr Chantal DELAFOSSE, aux éditions Dubourdon) est très utile en soutien à ces explications. Il reprend sous forme illustrée les données de la science sur la douleur chronique.

Un livre peut être conseillé aux parents pour expliquer les composantes de la douleur chronique et donner des clés pratiques : Comprendre et vaincre la douleur chronique de votre enfant, écrit par Schlank et Dr Zeltzer.

L’approche biopsychosociale

L’évaluation somatique

Elle comprend une évaluation médicale complète, c’est-à-dire une synthèse de l’histoire des douleurs, de ses caractéristiques, des circonstances d’apparition, de l’évolution au cours du temps, des différents spécialistes qui ont été consultés et des différents examens complémentaires réalisés, avec leurs résultats. Un examen clinique complet et une étude de la croissance staturo-pondérale seront réalisés.

Les éléments biographiques et psychologiques

L’interrogatoire d’un·e enfant ou adolescent·e avec douleur chronique nécessite la recherche d’événements de vie difficiles (déménagements, maladies ou décès de proches ou d’animaux, séparation parentale, harcèlement scolaire ou cyberharcèlement, violences verbales, physiques ou sexuelles) ou facteurs de vulnérabilité psychologique (comme des troubles anxieux ou dépressifs) 4. Une évaluation psychologique/psychiatrique peut s’avérer précieuse voire indispensable en reprenant l’histoire du patient et les éléments de vie difficiles. Il est reconnu que le développement de la douleur chronique peut être liée à un manque de prise en conscience émotionnelle, en particulier en contexte d’événements biographiques complexes 27. En effet, une douleur somatique peut cacher une douleur émotionnelle trop difficile à conscientiser 27.

– Le contexte scolaire, social et éducatif

Il est nécessaire d’évaluer l’environnement scolaire. Le stress scolaire, l’anxiété de performance, mais aussi les conflits entre camarades de classe, le harcèlement scolaire et la violence scolaire 3,28–31, multiplient le risque de douleur chronique.

Des informations riches sur le harcèlement scolaire peuvent être trouvées sur le site internet https://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/.

Les antécédents familiaux de douleur chronique, de psychopathologie ou de trouble d’utilisation des substances, les conflits familiaux, les négligences, les abus/violences intrafamiliales et les attitudes parentales inadaptées face à la douleur de leur enfant sont également pourvoyeurs de douleur chronique 3,32,33. Un avis de l’assistant·e social·e peut être nécessaire dans certaines situations.

A l’inverse, la douleur chronique peut impacter négativement la vie familiale et scolaire du patient 25. Elle peut engendrer un absentéisme scolaire plus ou moins important et de facto conduire à un isolement social. Les répercussions d’un absentéisme scolaire peuvent être néfastes et mener à une déscolarisation totale et un échec scolaire 34–36 entravant l’avenir professionnel et le développement des compétences sociales 3,4.

L’absentéisme scolaire nuit également à la santé physique et mentale de manière plus large 37,38. Si la douleur peut amener l’enfant à s’isoler et à se retirer des activités avec ses pairs lors des crises douloureuses 28, il est indispensable de maintenir un lien social et scolaire. Il faut éviter la diminution de l’activité physique qui n’aurait pour conséquence que d’embourber l’enfant dans un cercle vicieux l’empêchant de s’autonomiser et lui faisant perdre la motivation de réintégrer ses pairs 39.

Les aménagements scolaires peuvent être utiles et éviter une déscolarisation totale. Ils sont organisés à titre individuel après des échanges entre l’enfant/adolescent.e, sa famille, les soignants et le personnel scolaire, notamment le médecin scolaire qui a une place prépondérante ainsi que l’infirmière scolaire. Certains enfants/adolescents vont régulièrement à l’infirmerie scolaire, voire y passent plus de temps qu’en cours, minimisant le nombre de jours d’absences. L’avis de l’infirmière scolaire est primordial dans ces situations. D’autres fois, et c’est informatif aussi, ni l’infirmière ni le médecin scolaire ne sont au courant de la situation alors que cela serait nécessaire et un échange entre le médecin recevant la plainte de douleur et l’équipe de la médecine scolaire permettra une avancée importante.

Les détails et les différences entre le projet d’accueil individualisé (PAI), le projet personnalisé de scolarisation (PPS), le plan d’accompagnement personnalisé (PAP) et le programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) sont détaillés ci-contre (pdf du Ministère de l’Education Nationale).

Dans les situations de douleur chronique résistantes à la prise en charge proposée, avec déscolarisation importante, une hospitalisation en service de pédiatrie ou de médecine pour adolescents peut être utile pour une observation et une évaluation globale, voire une prise en charge en établissement de soins-études.

Des outils simples pour repérer les éléments émotionnels chez les adolescents douloureux

Sur la page Aller mal/avoir mal, vous trouverez deux échelles d’évaluation, REPERADO et PPST, qui permettent de repérer la souffrance psychique et fonctionnelle associée aux douleurs chroniques.

Les besoins fondamentaux psychologiques des enfants et des adolescents

La satisfaction des trois besoins fondamentaux psychologiques, à savoir le besoin d’autonomie, de relations et de compétences 40, est importante à rechercher dans le traitement des douleurs chroniques 41–43. Selon cette théorie d’autodétermination, afin que l’individu soit en bonne santé doivent être assouvis ses :

besoin de compétence : se sentir efficace et exprimer ses capacités qui débouchent sur des résultats positifs 44,45

besoin d’autonomie : se sentir être l’origine ou la source de ses propres comportements 46,47 comprenant l’expérience de liberté psychologique et choix personnel 43

besoin d’affiliation/relations : se sentir connecté aux autres, avoir un sentiment d’appartenance à d’autres individus 48,49.

La frustration de ces besoins d’autonomie (ex : se sentir forcé·e de se comporter d’une certaine manière, ne pas ressentir de liberté psychologique ou ne pas pouvoir faire de choix personnels), de compétence (ex : se sentir incapable de réaliser ses objectifs personnels, ne pas se sentir efficace ou ne pas pouvoir exprimer ses capacités) et de relations (ex : se sentir exclus·e, ne pas se sentir connecté·e aux autres, ne pas avoir de sentiment d’appartenance) serait associée à une mauvaise santé globale et une augmentation du risque de psychopathologie 43. Il a été démontré que dans un contexte de douleur chronique chez un·e adolescent·e, la frustration d’un ou plusieurs de ces besoins fondamentaux psychologiques peut engendrer de la peur, de l’évitement et ultimement un handicap fonctionnel 43.

Les interventions thérapeutiques proposées par les chercheurs soutenant cette théorie d’autodétermination détournent l’attention portée à traiter les troubles psychologiques vers la guidance afin de satisfaire les besoins fondamentaux psychologiques du patient 41. La satisfaction de ces besoins résulte ultimement en la réalisation de projets personnels tout en s’aidant d’un soutien solide de l’entourage proche 41.

 

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